Je suis une petite fille croche

Tu t’avances boitant sur cette ligne blanche
Le ciel paresseux te caresse et  t’enlace
Et il y a ce vent, désire de revanche
Qui tourbillonne dans ton estomac si lasse

Tu es le succulent poisson du dimanche
Celui qu’on goutte sans faire de grimaces
Digéré on ne s’en ressert pas une tranche
Attaquant un autre plat de manière vorace

Tes parents n’ont pas mis au monde une blanche
Mais une petite fille croche, une note tenace
Qui résonne à l’oreille des gens trop franche
comme le jaillisement d’une avalanche

Tu es un coquelicot dans cet espace
Où s’étalent de ravissantes pervenches.
Sans parvenir à se fondre dans la masse
Tu contemples l’impétuosité de la Manche

Turner, elle se nommait cette obscure impasse
D’aller là où les vagues accordées s’épanchent
Syndrome noyant avec ingéniosité l’audace,
la confiance, t’incitant à haïr tes hanches

 « Refka, Refka t’es où ? On vas être en retard au rendez-vous »   « J’arrive, je pisse !!! » Apparait sur les pupilles ombragées de la jeune fille une lueur fade. Elle patine sans arrêt dans l’urgence permanente, dans cette mascarade interminable du temps,, toujours ses parents agacés qui la presse, l’empresse de corriger son extravagante lenteur… Ces parents désiraient fabriquer un engin bien huilé, sans défaillance… c’est raté… elle a été fabriquée comme un produit défectueux, mal fignolé …

Elle sort méticuleusement des toilettes, la tête lourde de reproches envers ses géniteurs. Elle dompte ses soucis tel un dresseur d’animaux, concevant un enclos bien solide qui toutefois, se démolit de temps en temps. Alors, traversant la chaussée pour pénétrer dans le véhicule, elle s’imagine,
souriant à ces gens si souvent présent devant l’entrée de son établissement  
déliant les mots, ses maux si enfuient dans sa chair…
Mais ce n’est qu’une étoile filant dans le ciel éternellement bleu, ce n’est qu’un songe passager, prenant le dessus sur la réalité…

La réalité, c’est cet hôpital tout blanc, ces médecins plaisantant gaiement, l’air confiant « Mais qu’elle est belle votre enfant, elle va trouver son prince charmant en grandissant ! » « le traitement fonctionne très efficacement, dans très peu de temps, elle saignera… »
Grandir justement, elle grandit trop, les années s’écoulant n’apportent aucun bouleversement, aucun renversement…
Elle voudrait remonter le temps pour revivre un dernier instant ses douceurs d'enfant.
Et puis il y a l’amour, ce gouffre exaltant dans lesquels on tombes, on s’abandonnes complètement, qui semble absent, inexistant…
Alors, elle feigne d’accepter le compliment comme toujours, en espérant que ces médecins qui la suivent, ne l’induise pas en erreur… Que la solitude, ne restera pas éternellement, son unique alliée, son unique soeur.