LA MER A TOUT AVALÉ (BARBIE)

tu sais, la mer, elle a tout avalé. elle a avalé un nombre incalculable de corps imbibés d'alcool, imbibés de tristesse et de regrets. elle a avalé des hommes et des femmes pour parfois les recracher sur le rivage, nez planté dans le sable froid et mouillé, démunis de leur âme.
elle a avalé d'immenses navires, de minuscules barques, de grands pirates et de petits pêcheurs. ceux qui rêvaient de trésors, ceux qui rêvaient de nourriture à table.
elle a avalé un peu trop de jouets abandonnés sur le rivage pendant que des enfants en pleurs laissaient leurs cris strident écorcher les oreilles de leurs parents qui promettaient (promis juré, on ira acheter une autre pelle et un autre seau pour que tu puisses construire tes châteaux et rêver d'un royaume grandiose).
tu sais, la mer, elle a tout avalé, mais elle a souvent tout recraché.
la mer prend.
la mer donne.
la mer est reine et thomasin le sait.
elle contemple l'eau embrasser l'horizon pétrole et les étoiles semblent briller un peu mieux ici qu'ailleurs.
sur son poignet osseux trône une montre délicate ayant appartenu à la regrettée madame toussaint. les éclats du croissant lunaire accroché au ciel font briller le fin bijou et elle arrive à voir l'heure.
bientôt deux heures.
si l'air frais vient chatouiller son visage,
l'eau froide mord ses chevilles et ses pieds dénudés.
près d'elle, un garçon maigrelet aux cheveux rouille.
aucun son ne sort d'entres ses lèvres rosées.
elle observe encore les constellations et la mort semble arrêter pendant quelques secondes de tirer sa longue chevelure vers l'arrière, lui offrant une expression plus sereine.
la sorcière et l'inconnus.
la mer, elle ne semble pas les avaler.