LES BONS JOURS (ELIAS)

la rive est marquée par les pas des jeunes enfants qui jouent sur celle-ci, tandis que la terre, humide, est martelée par les adultes qui profitent du bon temps et du soleil. un rouge gorge chante doucement, parce qu'il a un peu peur des passants et ce n'est pas encore le printemps. je regarde le soleil qui se reflète sur la surface liquide, brillant de toutes parts. les fleurs sont très belles, aussi, elles ont une délicatesse qui je le sais, enchantera elias. mercredi, il n'y a pas de pluie. à nous l'exploration, les sentiers indomptés, les discrets passages, et à nous les couchers de soleil rouge, dans l'attente du rayon vert. je l'attends à l'ombre des arbres, dans un coin de galets qui semble bien loin de toute l'effervescence. d'habitude nous nous retrouvons à quelques mètres, mais l'astre solaire tape fort. j'entends quelques bruits tous proches, c'est sûrement elias qui arrive. je me retourne et c'est bien lui, avec ses cheveux en bataille et son sourire bienveillant. j'aime regarder son visage, il possède beaucoup de choses que le mien n'a pas. il n'a que rarement la tristesse dans ses yeux, et son air gentil abrite plein de choses. un bric à brac de trucs à la elias, sertis de diamants de joie. et ses mains, qui ont tenu maints pinceaux, esquissent sur les toiles des lignes empreintes de poésie. toujours à l'heure, n'est-ce pas ? et je souris moi aussi, parce que rien n'est plus merveilleux que de le revoir après une longue semaine d'attente.

enfin.
elias cherche du regard son pinceau préféré. celui où le bois est le plus abimé. non, pas celui-ci. non plus. non, non, non, cherche encore. bingo.
pinceau trouvé. il rejoint quelques camarades à la pointe noire et ses amies aux mille et une couleurs. le vieux sac en cuir sur l'épaule, elias s'éloigne pour rejoindre le lac,
l'immensité bleue, bien trop froide,
entourée par des berges ensablées.
il aperçoit au loin les longs cheveux de son ami, érèbe – à l'abri des rayons trop lumineux du soleil -  brûlants, vifs – érèbe et ses joues roses,
la timidité,
toujours à l'heure, n'est-ce pas ? un sourire se dessine sur ses lèvres lorsqu'il entend sa voix. toujours à l'heure.
elias sort de sa poche une feuille blanche, en boule, presque déchirée. et sur le papier, des mots et des lignes dessinées.
ses doigts suivent les lignes et puis
regarde, on n'est jamais passé par ici.
enfin mercredi.

le froissement des feuilles, une démarche feutrée pleine de poésie. tel est elias, dès que je l'entends. et puis c'est un artiste, un coup de pinceau sur la toile. il a une douceur, et sa voix, c'est un cadeau.
alors je me lève, rien que pour m'approcher de ce chef-d'oeuvre humain, et puis je regarde sur la feuille un peu chiffonnée, un peu crade, mais pas grave. on observe pendant un certain temps, quand enfin il dit qu'on est pas passés par là.
on y va, doucement, on s'engage dans des tunnels. c'est joli, il y a plein de pierres, des cailloux lumineux qui ont pleins de reflets. regarde, celle-ci a la couleur de tes yeux. je lui tends un de ces fragments de rocher, il a les couleurs des yeux de tout le monde, mais sous l'éclairage actuel, il brille et scintille de ceux d'elias.
on remplit nos sacs de cailloux, et on continue de ramper. jusqu'à ce qu'on arrive dans une petite grotte, avec les mêmes cailloux. la voute est assez haute mais on peut pas se tenir debout. il fait frais. ça change d'en haut, mais il fait sombre, très sombre. on sent l'humidité.
on est où ?
je le vois pas très bien, mais toujours claironnent dans ses yeux les sens de l'aventure.